21 jours

sous terre

(Jour) 1

  • Moral : Fébrile
  • État d'esprit : Le renard et la perdrix
  • Niveau de bien-être 8
  • Niveau de fatigue 3
  • Niveau de compétence 5
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 8
  • Jauge des sens
    • Vue 3
    • Odorat 0
    • Ouïe 0
    • Toucher 0

Journée de route. Neuf longues heures de char pour couvrir la distance entre la mine et la Baie James, au nord du 49 e parallèle. Si j'avais fait la même route vers le sud, je serais sur une plage à Virginia Beach.

Je fais connaissance avec l'équipe qui m'accompagnera dans cette expérience. Je connais déjà Michel, le caméraman, avec qui j'ai tourné mes deux émissions de la saison 1. Il y a Gabriel le réalisateur, Amélie l'assistante à la réalisation et France la preneuse de son.

Jamais je n'ai été aussi creux dans le grand Nord québécois. Saint-Jérôme, Tremblant, Mont-Laurier, Val d'or, Lebel-sur-Quévillon, on croise des villes de plus en plus éloignées en mangeant les kilomètres d'asphalte.

La mine se trouve à Desmaraisville. Plutôt rigolo pour un employé de Power Corporation. C'est d'ailleurs tout ce que je sais à propos de la ville. Ça et le fait qu'on y fait l'extraction de l'or. Si je savais vaguement à quoi m'attendre l'an dernier sur une ferme laitière et même dans la rue, cette fois, c'est un gros point d'interrogation qui clignote en lettres ballons.

Je pensais même jusqu'à tout récemment que les mines avaient cessé leurs activités au Québec. En fait, mon seul contact avec cet univers se limitait jusqu'ici à des courriels frauduleux concernant une proposition d'héritage provenant d‘une mine de diamant en Côte d'Ivoire.

Notre fourgonnette roule encore. Le ciel commence à tomber et il est à peine 19h. L'automne commence à se manifester dans la végétation.

Des rangées de conifères s'élèvent de chaque côté de la route. Pas simple d'écrire non plus sur cette route serpentine et en vallons.

Nous sommes seuls au milieu de nulle part. Nous venons de frapper une perdrix. Amélie semblait un peu traumatisée. Nous filons en caravane vers la mine. Et je ne sais vraiment pas ce qui m'attend.

Ça y'est nous arrivons enfin. Bienvenue chez Metanor; mon employeur pour les trois prochaines semaines. Un renard un peu rachitique nous accueille. Pas peureux en plus, il nous colle aux fesses pendant que nous tournons l'arrivée. Une voiture approche en contresens. « Attention au renard, il pourrait vous mordre!», prévient-il. Il n'a pas l'air de plaisanter.

L'arrivée au camp se fait en douceur. Plusieurs baraques étroites collées les unes aux autres. Je reçois ma clé pour la chambre 104 dans le bloc E. Le gardien à l'entrée nous montre rapidement le site sur une carte. La cuisine, la salle commune, les dortoirs.  

C'est tranquille sur le site. La plupart des gars arriveront le lendemain matin pour amorcer leurs sept jours de travail consécutif. Leur « sept » dans le jargon.

J'ouvre la porte de ma chambre. On crève. C'est petit. Deux lits simples, deux tablettes, un mini-frigo. J'ai vu pire.  

Je me couche vers 22h30. La tête remplie de points d'interrogation.

 

(Jour) 2

  • Moral : Anxieux
  • État d'esprit : Baptême de mine
  • Niveau de bien-être 5
  • Niveau de fatigue 6
  • Niveau de compétence 1
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 5
  • Jauge des sens
    • Vue -1
    • Odorat 3
    • Ouïe 3
    • Toucher 3

Aujourd'hui, j'ai été faire un tour à plus de 300 mètres sous la terre. Ça a l'air impressionnant vite de même, mais ça ne l'est pas trop. En fait, c'est la réalité des dizaines de mineurs qui font rouler la mine Metanor. Une petite mine dite conventionnelle (comprendre un peu artisanale) dans le vaste marché québécois de la mine.

D'ailleurs, mon voisin de chambre que j'ai croisé hier soir avait l'air un peu à se demander pourquoi je venais travailler ici. « C'est juste une job ordinaire tsé… », m'a-t-il dit, d'un ton pour te faire sentir comme un gars de la Grande Ville.

Ben parle pour toi voisin, parce que pour moi, un travail de mineur, en 2015, ça n'existe pas.

Cette journée chargée en émotions s'est amorcée dans la cantine aux aurores. Une cafétéria animée où tu peux te commander des œufs et surtout placer ta commande pour ton lunch du lendemain, puisque le diner se prend au fond de la mine pour les employés dit « sous terre ».

 J'ai reconnu Gaétan et Éric, deux gaillards que j'avais croisé dans leur gros F-150 à mon arrivée à la mine. Ils étaient un peu moins volubiles que la veille, peut-être à cause de la caméra et de l'heure matinale.

Un autobus nous a ensuite conduits dans un bâtiment situé proche de l'entrée de la mine. Chemin faisant, j'ai piqué une jasette avec un jeune homme dont j'oublie le nom. Il travaille à la mine depuis quatre ans. La paye est bonne et le travail pas trop pire. Lui, la mine est venue le chercher sur les bancs d'école à Val d'Or. Il n'est pas très volubile.

Les gars vont ensuite enfiler leurs vêtements de travail et se rassemblent dans une salle commune. Des responsables prennent la parole et donnent les consignes du jour. Le jargon minier me perd rapidement. Puis, les gars se dirigent vers la mine, pendant que le soleil commence à se pointer. Comme je suis le petit nouveau, je reste dans le bâtiment. J'y rencontre Luc, un responsable de la sécurité, qui me donne les consignes et règles à suivre pendant le travail. Il me briefe en même temps qu'une demi-douzaine de foreurs sous-contractants, qui creuseront depuis la surface jusqu'aux fêtes.

Quoi faire en cas d'accident graves, où aller si un feu se déclare, quel code envoyé aux patrons si telle ou telle autre catastrophe survient. La formation, courte, est à glacer le sang. Je chie dans mes culottes mais j'essaie de ne pas trop le montrer. Tous les hommes ici sont des armoires à glace. Je ne veux surtout pas être le gars de la Ville qui a peur de son ombre.  Luc se fait rassurant. Il lit sans doute le désarroi dans mon visage. Tout ira bien. Les accidents sont rares.  

On me donne un équipement. Une chienne orange fluo, un casque avec une lampe frontale, une ceinture pesante sur laquelle j'accroche une clé à molette – indispensable me dit-on – sans oublier des bottes d'eau à cap d'acier. On ajoute un imperméable parce qu'il mouille à plusieurs endroits dans la mine.

Vint le moment tant attendu, après le lunch où je n'ai pratiquement rien avalé. On m'amène devant la cage, par laquelle je vais descendre au niveau 8, à environ 900 pieds sous terre. La mine compte 14 niveaux. Marcel Côté – qui ressemble vaguement à l'acteur Michel Côté même s'il n'a aucun lien de parenté avec lui - opère la cage depuis le pont. Mais le gros du boulot se fait depuis un bâtiment surélevé en retrait, où un opérateur contrôle le treuil. La mine ne compte qu'un unique accès. Les employés, les gisements et le matériel empruntent le tunnel vers la mine.

Là, c'est mon tour.

La cage est plus petite que je croyais. Petite et surtout métallique sans fenêtre en plus d'avoir l'air un peu déglinguée. Une boite à sardine.

Marcel envoie un signal à l'opérateur du treuil. La cage descend. Rapidement. Beaucoup plus que je pensais. Mes oreilles commencent à se boucher. En moins d'une minute, la cage s'immobilise. Nous sommes arrivés au niveau 8.

Yves, un des contremaîtres, m'accueille. Il m'offre une visite guidée du niveau. Mon regard se fige un peu sur l'intérieur de la mine. Il fait très noir, plus que je croyais. Les parois rocheuses découpent une salle d'une vingtaine de pieds. Il y a des rails au sol et l'obscurité à perte de vue. Yves commence à avancer vers elle. Le sol est accidenté mais rapidement submergé d'eau. Celle-ci provient d'un bassin situé à la surface. L'eau provient des fuites un peu partout. Plus on descend dans la mine et plus c'est sec, m'apprend Yves.

En chemin, nous rencontrons quelques mineurs. Certains contrôles des engins qui se déplacent sur les rails. Je ne connais pas encore la nature de leur travail. Il est très bruyant dans certains cas, notamment ceux affectés au forage.

Mais qu'importe, pour l'heure ma seule victoire est de ne pas être claustrophobe. Je vis bien dans la mine, en fait j'essaie d'oublier où je suis. Et Yves inspire la confiance. Il me montre les issus de secours puis le refuge, où les gars vont prendre le lunch.

Une sorte de petite grotte chaude et humide dans laquelle on retrouve un micro-onde, un téléphone d'urgence et une longue table de pique-nique où il n'est possible de s'asseoir que d'un côté.

Il y a aussi un plan de la mine. Yves m'explique que la mine a été réactivée il y a quelques années, lorsque de nouveaux gisements d'or ont été trouvés. Les opérations avaient auparavant été abandonnées en raison de la chute du prix de l'or. Une compagnie étrangère opérait alors l'endroit. La Metanor l'a repris au moment où la valeur de l'or remontait. Résultat : la compagnie québécoise emploie des gens d'ici. Pour Yves, qui a roulé sa bosse dans des mines d'Abitibi et d'ailleurs, il y aurait présentement une sorte de ruée vers l'or à la québécoise porteuse d'espoir.

Ça se sent ici, puisque les mineurs rencontrés sont très jeunes.  À 37 ans, je serais considéré comme un vétéran ici souligne Yves, qui travaille dans le milieu depuis plus de 20 ans. Malgré l'engouement, Yves semble bien content que son fils ait décidé de ne pas suivre ses traces.

La visite se termine, non sans grimper une échelle de 100 pieds pour atteindre un autre palier dans la mine. Une ascension ardue sans harnais. Puis, la cage nous a remonté à la surface.  

La glace est brisée. La vie de mineur est possible pour moi.

Après le souper, j'ai accompagné Vincent et Kevin, deux jeunes mineurs, au dépanneur situé à la sortie de la mine. Vincent pilote un gros F-150, comme un peu tout le monde. Il ne fait sans doute pas bon débarquer ici avec une voiture électrique, sans risquer d'être lyncher en public.

Les deux jeunes mineurs ne semblent pas passionnés par leur travail. « J'étais pas ben bon à l'école », résume Vincent, qui travaille ici depuis 3 ans.

Malgré tout le salaire semble intéressant. Les mineurs peuvent aller chercher environ 100 000$ par année.

Assis dans ma chambre en train d'écrire ce journal, je me dis qu'il m'en faudrait au moins le double pour accepter une vie de mineur.

Mais là, ma mission sera de me familiariser avec ce nouvel environnement hostile. J'espère y arriver. Sincèrement.

Demain, le vrai travail commence. Mon cadran sonne à 5h15.

(Jour) 3

  • Moral : Épuisé
  • État d'esprit : Dans le ventre de la mine
  • Niveau de bien-être 3
  • Niveau de fatigue 8
  • Niveau de compétence 5
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 5
  • Jauge des sens
    • Vue -1
    • Odorat 3
    • Ouïe 5
    • Toucher 5

Après avoir passé le test de la claustrophobie, il fallait maintenant prouver que j'allais être un peu utile aussi.

Après le déjeuner, on m'a remis un badge magnétique identifié à mon nom. Chaque matin avant de partir, je dois le coller sur un tableau indiquant les niveaux de la mine (il y en a 14). Une façon de nous retrouver dans la mine en cas d'urgence ou de prendre les présences après chaque quart.

Ce matin, on m'a affecté avec Marcel Côté, celui qui ressemble vaguement à Michel Côté même s'il n'a aucune parenté avec le comédien.

Lui Marcel, il s'occupe de la cage. La cage est le cœur de la mine. On y descend des mineurs, du matériel et tous les minerais qu'on ramasse. Bref, on passe notre journée à monter et descendre dans une cage en fer un peu rouillée dans laquelle l'eau coule et on ne voit pratiquement rien. Marcel l'opère depuis des années. Il semble même triper sur sa job. Ça a l'air bizarre, mais je le comprends. C'est sans doute la job la plus sociale de la mine. On parle avec tous les gars. Ça m'a aussi permis de mettre des noms sur des visages et de me familiariser avec le matériel mais aussi le jargon compliqué.

Bref, une belle expérience et une bonne façon de prendre confiance.

Le milieu est très viril. Je dis ça au premier degré. Des gars très tough, des armoires à glace pour la plupart, peu scolarisés et qui carburent depuis leur tout jeune âge aux jobs physiques. Des « monsieur ». Même si la majorité d'entre eux sont plus jeunes que moi.

Évidemment, j'essaye de prendre ma place, gagner leur respect. Ça risque d'être la partie la plus difficile de cette mission.

Le fossé qui nous sépare me semble gigantesque. Jamais je ne me suis senti aussi inutile et faible qu'ici. Un vrai de vrai pousseux de crayon.

Ils soulèvent à une main des plaques en acier qu'ils trimballent à une main. Je suis peut-être costaud à La Presse, mais ici je me sens comme une mauviette.

J'ai l'impression que 40 paires de yeux m'observent pour évaluer je suis capable de quoi. J'ai pas dû impressionner grand monde en après-midi, lorsqu'on m'a jumelé avec Rémi, dont la tâche est de mocker le minerais. J'écris la tâche au son parce que je n'ai aucune idée de comment l'écrire. Ça m'étonnerait que ça s'écrive « moquer » en tout cas.

La job consiste à opérer à l'aide d'une manette qui ressemble à celle d'un jeu vidéo une machine servant à ramasser les minerais au fond du niveau 14. Avec la pelle reliée à la machine, on remplit ensuite deux gros chariots en acier, qu'on va au final vider à une autre extrémité de la mine à bord d'une mini-locomotive. Ça a l'air compliqué vite de même, mais c'est plutôt facile et répétitif.

Même si j'ai lamentablement échoué mon training sur la machine. Ça prendra un peu de pratique assurément.

Rémi, environ 25 ans, était patient avec moi. Il n'était pas facile à amadouer, lui qui se décrit lui-même comme un garçon sérieux.

Il passe d'habitude ses journées complètes tout seul au fond de la mine avec sa machine, à faire des allers-retours en train pour décharger l'or.

Il doit rester concentrer. Toujours à l'affût. En cas de problème, il est seul. Un contremaître va le voir deux fois par jour pour veiller à ce que se passe bien.

Parlant d'or, oublier les gros lingots dorés et scintillants. On ramasse du minerai dans laquelle se trouve l'or. Il faut la raffiner pour obtenir l'or. Pour une tonne d'or, on récolte environ une once d'or. L'or vaut environ 1100$. Daniel, un des contremaitres, m'a dit que la mine fait environ 4 millions de dollars par semaine, sans compter les nombreuses dépenses. C'est suffisant pour faire rouler la mine, mais pas assez pour embaucher plus de personnel et creuser davantage. Une minette dans le jargon.  

Petite mine ou pas, les gars font des bons salaires, entre 100 et 150 000$ par année. C'est la carotte qui fait suer les employés. Qui travaillerait dans ces conditions au salaire minimum?

« C'est la seule job où tu peux faire le salaire d'un avocat même si tu traines ta boîte à lunch », m'a habilement résumé un jeune mineur au souper.

Le soir venu, après avoir avalé mon club sandwich assorti d'une poutine, je suis allé tirer à la carabine dans une carrière voisine avec Gaétan et Éric, les inséparables.

On risque d'y retourner alors je vous en reparlerais plus tard.

Là, 22h approche, je cogne des clous et tout le monde ronfle dans le dortoir depuis une bonne heure.

(Jour) 4

  • Moral : Confronté
  • État d'esprit : Dur constat sous la terre
  • Niveau de bien-être 5
  • Niveau de fatigue 8
  • Niveau de compétence 4
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 2
  • Jauge des sens
    • Vue -2
    • Odorat 5
    • Ouïe 5
    • Toucher 5

L'enfer. C'est là que j'ai passé ma journée. C'est en tout cas l'image que je m'en ferais si j'avais à le décrire. Une sorte de grotte sinistre, poussiéreuse, extrêmement bruyante et compacte au sous-sol de la mine, où l'air circule difficilement.

J'ai fait mon quart avec Kevin et Vincent, qui travaillent pas mal tout le temps en équipe.

Le premier a 30 ans, une petite fille d'un an et est fils de mineur. Il n'est pas gros, mais à du nerf. Son collègue est une charpente d'homme de 25 ans, père de deux jeunes enfants et premier mineur de sa famille. Fait surprenant, il a l'équivalent d'un secondaire 1. C'est sans doute le gars le plus riche du Québec avec une telle scolarité.

Les deux mineurs passent leurs journées à répéter le même cycle : déblayer (mocker) un imposant monticule de minerais provoqué par l'explosion, perforer (driller) une quarantaine de fois le bout de la veine où se trouve le gisement et installer les explosifs sur la face rocheuse pour préparer l'explosion.

Et ainsi de suite. Le jour de la marmotte.

Les deux gars se séparent les tâches. Ancien mockeur, Vincent est un expert au caveau, soit l'appareil pour déblayer l'entrée de la veine engorgée d'or. Ou plutôt les minerais dans lesquels se trouvent peut-être quelques onces d'or pour être plus précis.

J'ai essayé de piloter la chose. C'est un peu le même principe que la veille avec Rémi, sauf que là, au lieu du contrôle à distance, on embarque littéralement sur la machine pour ramasser les minerais à la pelle. Conclusion : c'est vraiment un sport extrême. D'abord parce qu'il faut se cramponner à la machine et que ça tire fort sur les bras. J'ai encore mal juste à y penser. Ensuite, parce que les manettes pour diriger le caveau sont si sensibles, qu'on passe proche à tout moment de s'écraser entre la paroi de la mine et la machine. Bref, faudrait que j'en fasse plus que quelques minutes avant de pouvoir prétendre maitriser la bête.

J'oublie évidemment le nom des appareils en acier ou en fonte pesant 130 livres utilisés pour creuser des trous dans le fond de la veine, mais disons que là aussi, j'ai vécu une expérience périlleuse.

J'ai essayé de percer quelques trous mais c'était vraiment éreintant. La machine (un jack leg je pense) vibre tellement que j'ai failli l'échapper à plusieurs reprises. Une chance que Vincent restait aux aguets pour la remettre en place ou me la reprendre des bras lorsque je partais tout croche.

Je me suis ensuite rendu utile en transportant du matériel pour les gars et aussi en donnant un coup de main à installer les explosifs. Les mineurs utilisent surtout de la poudre, qu'ils enfouissent dans les 40 trous creusés. Ils rentrent aussi des fils électriques, tous relié à un câble rouge qui servira de conducteur lorsque quelqu'un fera détonner la charge à distance.

C'était d'ailleurs assez particulier de me rendre dans une pièce en locomotive où il est écrit en grosses lettres rouges « Explosif » sur la porte.

Il n'y a pas de danger, m'a vite rassuré Kevin, puisque les explosifs fonctionnent seulement à l'aide d'un détonateur électrique.

J'ai bien aimé ma journée avec les deux gars. L'idée de passer plus de 10 heures sous la terre sans remonter et même de manger mon lunch dans cette grotte exigüe aussi.

Mais j'ai surtout eu une terrible révélation aujourd'hui : je ne serai jamais capable d'être un mineur. Bon, je vous entends me dire : « L'expérience commence à peine, donne-toi une chance Hugo, tu es le meilleur!»

Vous êtes adorable, mais hélas, je me connais et je connais surtout mes limites. Celles-ci ont été atteintes au fond de cette mine, en compagnie de Kevin et Vincent.

Je pouvais faire le train à la ferme, placer des commandes de lait chez Wal-Mart ou vivre dans la rue. Être mineur? Impossible. Mes nouveaux collègues ont au moins dix ans de moins que moi et soulèvent des trucs d'une main que j'ai de la misère à faire lever de terre. Et je me considère fort en plus. Peut-être au bras de fer un peu éméché avec des collègues de La Presse.

Mais ici, aujourd'hui, à environ 1300 pieds sous terre, j'ai frappé mon Waterloo.

Triste constat.

(Jour) 5

  • Moral : Encouragé
  • État d'esprit : Une pointe d’espoir et trois Bud
  • Niveau de bien-être 5
  • Niveau de fatigue 10
  • Niveau de compétence 6
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 1
  • Jauge des sens
    • Vue -2
    • Odorat 5
    • Ouïe 5
    • Toucher 5

Après le dur constat de la veille à l'effet que je ne serai jamais un mineur, j'avais le moral au plus bas ce matin lorsque mon cadran m'a réveillé à 5h30. D'autant plus que je déprime un peu depuis quelques jours suite à l'annonce des 150 postes coupés à La Presse. J'ai plusieurs collègues qui ont perdu leur emploi et je me sens terriblement impuissant si loin des événements. En même temps, je ne sais pas trop ce que je ferais si j'étais en Ville.

Enfin, revenons à la mine. Ce matin, on m'a jumelé avec une nouvelle équipe, soit avec Joël et Maxime. Le premier est un beau grand jeune homme costaud de 28 ans recouvert de tatouages, un fils de mineur. L'autre est né dans les années 90 et est le boute-en-train du duo voire de toute l'équipe.

Les deux gars font sensiblement la même ouvrage que les gars de la veille, mais pas dans une grotte perchée à 100 pieds en haut d'un niveau, mais plutôt au huitième niveau, soit l'étage de la vieille mine, là où la plupart des opérations sont en cours.

Il fait plus froid et très noir, comme partout d'ailleurs. Il y a une routine dans tous les boulots. Ici, la journée commence par le déblayage au caveau des débris de l'explosion. Un petit train file ensuite sur les rails pour aller décharger le chargement par une trappe jusqu'au 14e niveau quelques centaines de pieds plus bas.

Pendant le trajet, je me dis que la mine serait le décor parfait pour un film d'épouvante ou un jeu vidéo à la Halo.

Contrairement à la veille, Joël et Maxime m'utilisent davantage. Rapidement, je commence à jouer de la clé à molette (d'ailleurs, le duo de la veille m'a fait une blague en me le peinturant jaune pendant que je drillais la veille, les petits coquins) et je transporte du matériel. Je trouve enfin une façon de trainer leur criss de Jack Legs de 150 livres. Bref, je m'améliore et prend confiance.

Morale de l'histoire : tout s'apprend dans la vie lorsqu'on met l'effort, notez ça les jeunes.

Par contre, côté effort, faut mettre le paquet. Au lieu de percer deux ou trois trous dans la face avec le Jack Legs, les gars m'en ont fait percer plusieurs. Ça vibre tellement que j'en shake encore. C'est bruyant, poussiéreux, la visibilité est nulle avec leurs lunettes merdiques qui font de la buée, sans compter qu'on travaille côte à côte au fond d'une veine étroite. Bref, on est loin d'un petit latté au bureau pour jaser de la belle fin de semaine. 

Malgré tout, je suis fier d'avoir réussi à prouver que je pourrais être mineur. Par contre, pas sûr que ça m'intéresserait. En fait, oui, je suis sûr que ça ne m'intéresserait pas.

On jase beaucoup d'argent et de bonus avec les gars. Aujourd'hui je me suis dit deux choses en revenant dans le train avec les gars après l'interminable quart qui m'a donné mes blessures de mine (égratignures mais une bonne frousse quand mon gant est resté coincé sous un rail pendant que Joël fessait dessus avec la masse) :

Primo : Peu importe si ces gars-là font de gros salaires, ils méritent chaque cent. C'est selon moi la job la plus dure de l'univers.

Deuzio : Nous ne sommes rien dans cette mine. Ici, tout est pesant. Les machines, les rochers, les outils. Un simple faux pas et fini. À ne jamais oublier.

Allez, je vais boire quelques Bud Light avec les boys dans la salle commune à côté, il y a du hockey à la télévision. Joël et Maxime s'entraine avec les machines et haltères de la salle. Après une telle journée. Ces gars sont des machines. Sans farce.

(Jour) 6

  • Moral : Amorphe
  • État d'esprit : Faire la plante verte
  • Niveau de bien-être 7
  • Niveau de fatigue 8
  • Niveau de compétence 3
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 1
  • Jauge des sens
    • Vue -2
    • Odorat 5
    • Ouïe 5
    • Toucher 5

Je vais être plus bref aujourd'hui.

Pas parce que j'ai rien à raconter. Au contraire. Je pourrais facilement écrire 5000 mots chaque jour tellement je rencontre de nouvelles personnes et j'apprends de nouvelles choses. Sans blague, cette émission (plogue subtile) m'apporte énormément sur le plan humain. Je me considère privilégié. Si j'avais une biographie à écrire un jour, elle s'intitulerait : Hugo Meunier, un homme d'expériences!

Par exemple, juste tantôt, j'ai entrepris une marche pour aller au dépanneur m'acheter des cigarettes. Je découvre que je n'ai pas de carte magnétique pour ouvrir la barrière à la guérite du campement. Une dame sur un balcon devant son dortoir ajoute que ça me prendrait 45 minutes me rendre et qu'il y a un ours qui rôde dans le coin. Elle m'offre un lift au dépanneur. J'accepte. Elle s'appelle Juanita, la cinquantaine, sympathique comme tout. Elle travaille comme adjointe-administrative, mais s'autoproclame secrétaire.  Elle travaille dans des mines de la région depuis l'âge de 19 ans. Elle a tout vu : accidents, décès, ours dans le campement, souris dans la chambre, fermeture, ouverture, bagarre dans les dortoirs. Name it.

Sinon j'ai encore travaillé avec Joël et Maxime. Ils étaient plus pressés aujourd'hui. L'équipe de production est partie ce matin, donc ils n'avaient plus besoin de me laisser percer des trous pour être fins. Le temps c'est de l'argent. Et la vitesse, c'est le bonus. J'ai donc joué le rôle de la plante verte dans le fond de la mine pendant une partie de la journée, sauf les quelques fois où ils me demandaient de visser tel truc ou transporter tel matériel. J'ai eu le temps de me trouver une nouvelle activité. Marcher le plus loin possible dans une veine, m'asseoir sur quelque chose, m'allumer une clope (ce qui est illégal dans une mine, mais pas mal tout le monde le fait. Oups…)

Puis, fermer ma lampe. La noirceur. Totale. Genre celle que tu ne vois pas ta main là. Si on n'avait pas l'impression qu'il y avait un show de death métal à 6 pieds de toi, ça serait très apaisant.

Avec mes bottes, je repère dans la noirceur les rails. Si je me ramassais seul sans lampe, je n'aurais qu'à suivre les rails pour retrouver mon chemin jusqu'à la cage, m'avait dit Yves le premier jour. Je n'ai pas oublié.

Sinon, j'ai aidé Maxime à poser des tuyaux en fin de journée. Il semblait satisfait de mon travail. Je ne suis peut-être pas si pire finalement. En regardant les deux gars attaquer le mur avec leurs Jack Legs pour creuser une quarantaine de trous, je me suis dit que j'en avais encore beaucoup à apprendre.

Je me sentais comme un enfant. Mais contrairement à mes autres expériences professionnelles, ceux qui me montrent à travailler sont beaucoup plus jeunes que moi. Drôle de feeling. 

(Jour) 7

  • Moral : Exténué
  • État d'esprit : Petite marche santé sous terre
  • Niveau de bien-être 5
  • Niveau de fatigue 9
  • Niveau de compétence 6
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 1
  • Jauge des sens
    • Vue -2
    • Odorat 5
    • Ouïe 5
    • Toucher 2

Je me suis levé avec un mal de dos infernal. Mon épaule est hyper-sensible à cause des transports de Jack Legs de la veille.

Il y a un bon Dieu pour les mineurs puisque les contremaîtres m'ont mis sur la maintenance pour la journée. On me jumèle avec Olivier Roberge, un grand sec très bavard de 26 ans. Ça fait deux ans qu'il s'occupe de l'entretien dans la mine.

Les gars se moquaient pas mal de moi, comme si j'avais hérité de la pire job au monde. La moins valorisante en tout cas à en juger par leurs railleries.

Je dois, entre autres, nettoyer les chiottes qu'on retrouve à chaque niveau.

J'allais aussi découvrir que c'est de loin la plus relaxe et la moins payante, même si Olivier dit gagner une trentaine de piastres de l'heure (24$ de l'heure plus 6 de bonus).

On entre les derniers dans la mine, une fois que tous les "vrais" mineurs ont descendu dans la cage. On nous dépose au 6 e niveau et on descend ensuite jusqu'au 14e en empruntant l'échelle en bois de la sortie de secours.

À chaque niveau, c'est la même chose : On se rend d'abord au refuge (l'endroit où les gars mangent leur lunch) pour faire un brin de ménage rapide. On époussette les tables avec un produit, on vide les poubelles et on passe un coup de balai qui ne vient jamais vraiment à bout de la poussière qui s'accumule sur le sol en roche.

On va ensuite laver la toilette, visible de loin à cause des ampoules chauffantes rouges.

La procédure est inusitée. Le bol de toilette en plastique (de style camping) est rempli d'excréments. On utilise des poches de compost pour solidifier le contenu nauséabond. Ensuite, on tourne une manivelle pour faire tomber le contenu pris en pain dans une sorte de tiroir, qu'on vide ensuite dans un sac à ordure.

Too much information je sais. Mais il n'y a pas de sot métier sous la terre.

Après la toilette, direction la salle des explosifs où les mineurs s'approvisionnent en fils conducteurs. On remet de l'ordre dans les fils puis, on va dans la poudrière voisine faire de même avec les sacs de poudre.

Et on recommence tout ça au niveau suivant jusqu'au fond de la mine.

Le seul volet physique consiste à descendre l'échelle entre les niveaux. Un simple faux pas équivaut à une chute fatale d'environ 150 pieds. Inutile de regarder en bas, puisqu'on n'y voit que l'obscurité totale.

Sinon, on ramène les sacs à ordure jusqu'à la station, où se trouve le treuil.

Avant de terminer, on descend les deux derniers niveaux par l'escalier de secours. Les deux plus longs, environ 200 pieds chacun. En plus d'avoir mal partout au haut du corps, je serais courbaturé demain.

Je ne sais pas ce que je fais demain, mais je n'ai pas le goût de refaire une ronde de toilette si je veux me faire respecter.

Alors, mieux vaut être en forme.

(Jour) 8

  • Moral : Terrorisé
  • État d'esprit : Peur bleue et sueurs froides
  • Niveau de bien-être 5
  • Niveau de fatigue 7
  • Niveau de compétence 6
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 1
  • Jauge des sens
    • Vue -2
    • Odorat 5
    • Ouïe 5
    • Toucher 4

Ma mère, anxieuse de nature n'aimerait pas lire ceci, mais chaque matin en quittant ma chambre, je regarde mon lit en refermant la porte en souhaitant très fort me recoucher dedans le soir venu. Si j'étais croyant, on appellerait sans doute ça une prière.

La job est difficile, le milieu très hostile et le danger bien présent. Je l'ai écrit précédemment, mais la fragilité humaine me frappe dans ce huis clos souterrain sombre comme la nuit sans super lune, où tout pèse une tonne et fait un boucan d'enfer.

Plus les jours avancent et plus je me rends compte que les gars, même s'ils font attention, travaillent pour le bonus et l'argent d'abord. Au point de mettre leur vie en péril ? J'ai encore du mal à déterminer si oui ou non. Ça dépend des jours. Une chose est sûre, la journée bizarre d'aujourd'hui n'allait hélas que renforcer mes craintes.

Juste avant le meeting, nous avons appris qu'un problème informatique dans le treuil empêchait l'utilisation de la cage habituelle. L'équipe de nuit est donc restée coincée sous terre pendant de longues heures avant de sortir au moyen d'une cage de fortune, plus petite et très lente, qui ne fonctionne qu'à l'aide d'un câble (au lieu de la poulie habituelle, plus stable). Les mineurs coincés aux niveaux supérieurs ont grimpé par l'escalier de secours (un exercice très long et apparemment très, très épuisant). Notre équipe attendait dans le bâtiment où se déroulent les meetings du matin, baptisé le « carreau ».

Certains croyaient que le quart serait annulé. D'autant plus que les gars partent en congé sept jours à la fin du shift. Après avoir terminé l'évacuation des mineurs de nuit ET fait sauter les décharges sur les niveaux, les contremaîtres ont finalement décidé de nous envoyer sous terre, même s'il était déjà 11h du matin.

Sur le pont avant la descente, plusieurs mineurs pestaient et jugeaient cette décision imprudente. La cage de fortune est petite, plus fragile, le gaz produit par la récente explosion flottait encore dans la mine, pouvait-on notamment entendre. Pour tuer le temps, un des gars s'est mis à me décrire l'état des mineurs qu'ils ont ramassé à la petite cuillère lorsqu'une cage de ce genre s'est détachée pour se retrouver au fond de la mine il y a quelques temps. Bref, je chiais un peu dans mon froc et j'ai bien failli prendre ma journée de congé.

Mais à quelque part, si eux y vont, pourquoi pas moi. Ces gars ont des familles et des enfants et ma vie ne vaut pas plus chère que la leur. Bref, j'ai grimpé à bord, jusqu'au huitième niveau. Je passais la journée avec Pascal, dont le travail est de percer des trous à quelque part, isolé, entre le huitième et le septième niveau. Pascal, 41 ans, est ce gars tranquille qui fait sa petite affaire. Il a une photo de ses deux filles collées à l'intérieur de sa boîte à lunch métallique rouge et fait ses quarts sans faire de bruit.

Pendant la descente dans la cage de fortune, je retenais littéralement mon souffle. Chaque fois que la cage accrochait les parois, je sursautais. La descente n'avait pas de fin. Au lieu des deux minutes habituelles, il fallait en compter une dizaine, entassés comme des sardines. Même Marcel, d'ordinaire volubile et guilleret, semblait nerveux.

Nous avons finalement atterri au huitième sur nos deux pieds. Mais mon calvaire allait se poursuivre. Pour accéder au lieu de travail de Pascal, qui passe ses journées en solitaire, il fallait grimper quelques centaines de pieds d'échelle. Mais le pire moment a été durant les 50 derniers pieds d'ascension, alors que l'échelle, d'ordinaire inclinée, devient complètement verticale. Je vous rappelle qu'aucun mineur n'est attaché.

Une fois à destination, je tombe face à face avec la machine infernale de Pascal, soit une gigantesque machine à trois roues assemblée à une perceuse à air géante servant à perforer des trous de 40 pieds dans le sol pour y placer des explosifs. On l'utilise pour faire sauter le sol pour permettre à des étages inférieurs de déblayer l'or plus facilement. C'est pas clair, je sais, ça m'a pris une journée à comprendre. Appelez-moi si vous voulez plus de détails.

Le hic, c'est qu'il fallait déplacer la machine qui fait un vrombissement de dragon des enfers vers une autre extrémité de la grotte. Donc, passer par-dessus l'échelle d'où on arrive. Nous avons placé des planches de bois pour soutenir le poids, mais j'avais alors très peur que la machine s'enfonce dans le passage et nous bloque notre seul moyen de retourner à la surface.

Pascal, pendant ce temps, faisait sa petite affaire comme s'il passait une journée normale au bureau. Son attitude m'a finalement calmé et la journée – courte-  s'est bien terminée.

Je parlais tantôt de ma mère, mais mon père lui, aimerait sans doute être ici. Même qu'il rirait un bon coup de me voir utiliser des outils à chaque jour, moi qui n'a rien de manuel. Je m'améliore. La mécanique, au fond, c'est facile. C'est juste de la logique. Le contremaître m'a demandé de poser une barrière de sécurité autour d'un trou d'hommes près de l'échelle. Avec quelques planches, des clous, une scie et un peu d'aide de Pascal, j'ai réussi – à ma grande surprise – assez facilement.

On y prend même un peu goût. C'est valorisant de laisser quelque chose de concret derrière. Le contremaître a même griffonné dans son calepin ma suggestion de refaire les 50 derniers pieds de l'échelle en l'inclinant à 45 degrés. S'il me demande de m'en occuper cependant, je démissionne.

Après le quart, les gars ont sauté dans leur voiture sans souper pour retourner dans leurs vies respectives pendant 7 jours.  Je vais rencontrer demain matin une nouvelle gang.

« Tu verras, quand c'est un nouveau quart, c'est une nouvelle mine », m'ont répété plein de gars. J'avoue que c'est stressant de recommencer à neuf quand on commence tout juste à s'habituer.

Bref, on verra. Pour l'heure, je m'ennuie de ma famille. Et ma petite dernière qui a dormi sans couche pour la première fois hier.

(Jour) 9

  • Moral : Encouragé
  • État d'esprit : Nouvelle gang, nouvelle mine?
  • Niveau de bien-être 4
  • Niveau de fatigue 6
  • Niveau de compétence 7
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 1
  • Jauge des sens
    • Vue -2
    • Odorat 3
    • Ouïe 5
    • Toucher 5

J'ai eu ma première bonne nuit de sommeil. L'équipe de tournage et son tyrannique réalisateur Gabriel n'étant pas là pour me faire faire des heures supplémentaires.

Je me suis donc levé en forme pour attaquer mon deuxième sept. Mais surtout, je rencontrais une toute nouvelle équipe, avec qui je vais passer les prochains jours.

La réplique de mes anciens camarades roulait dans ma tête sur le chemin de la cafétéria.

« Tu vas voir, une nouvelle gang, c'est une nouvelle mine. »

Mais finalement, la nouvelle cohorte ressemble pas mal à la dernière. Au meeting, on entendait sensiblement les mêmes blagues à saveur scatologiques et insultes affectueuses entre les mineurs. Les contremaîtres ont encore une mine affable. Les visages changent, mais le contenu reste essentiellement le même. Le contenant aussi en fait, sinon que les nouveaux mineurs paraissent plus âgés.

Après avoir enfilé mon habit de mineur désormais tout crotté, j'ai pris place dans la salle avec tout le monde. Personne ne porte attention à moi. Je me fonds parfaitement dans le décor et j'adore ça. Ces gars-là ne pensent pas avoir affaire à un cobaye infiltré pour une émission de télé, mais bien un authentique mineur 100% pur jus.

Un des contremaîtres pète ma balloune en me présentant comme le journaliste-qui-vient-passer-21-Jours-dans-la-mine. Tous les yeux se tournent vers moi. J'explique ma démarche mais plusieurs me regardent l'air de se dire : T'es avec nous ou t'es pas avec nous ?

J'amorce ce nouveau sept en compagnie de Martin et Benjamin. Le premier est petit, mais costaud. Il parle avec aplomb et enfile les jurons à la vitesse lumière. L'autre est plus réservé, la mine un peu sombre. Les deux me prennent gentiment sous leurs ailes.

Les deux mineurs sont un peu plus cowboys que les autres que j'ai rencontrés jusqu'à présent. Mais ils sont aussi sacrément plus efficaces. Ils n'ont pas besoin de se parler mais toutes leurs tâches s'exécutent rapidement. Ils préconisent de se débarrasser de toutes les tâches chiantes avant de manger, afin de relaxer ensuite. Résultat : on a déblayé, posé les supports au plafond pour retenir la roche, creuser les trous dans la face et rangé le matériel avant de manger nos lunchs (deux sandwichs au jambon, une galette, deux morceaux de fromage, un jus de raisin, une bouteille d'eau).

J'ai pu me familiariser davantage avec la Jack Legs. Mes collègues, surtout Martin, avait l'air impressionné par mes compétences. Il m'a même fait mon meilleur compliment jusqu'ici en parlant à un contremaître. « Il a ça en lui. Je le prendrais sur mon équipe n'importe quand, tu vois qu'il veut. »

Ça fait vraiment du bien au moral, après plusieurs jours à se sentir comme un obstacle dans la mine. Il faut dire que Martin est le premier à me prendre un peu plus par la main pour me montrer comment faire. N'oublions pas que le temps c'est de l'argent et la vitesse c'est le bonus.

À la fin du quart, Benjamin s'est blessé à l'œil. Il a reçu une roche en se servant d'un puissant aspirateur pour pousser la roche et l'eau pour nettoyer la veine. L'infirmière lui a posé un bandage sur l'œil et le mineur a dû prendre la direction de l'hôpital à la fin du quart.

Après le souper, j'ai eu une drôle de surprise en rentrant dans ma nouvelle chambre. Un jeune homme était assis sur le lit voisin. Il semblait aussi surpris que moi. On n'a pas eu trop le temps d'échanger, puisque son quart de nuit commençait. On ne devrait pas trop se croiser. Le plus drôle, c'est qu'on a autant d'expérience ici, puisqu'il est tout nouveau. Il a néanmoins un peu d'expérience dans les mines, ajoute-t-il. Il a l'air très jeune en tout cas. À suivre.

Avant de m'installer pour écrire, je suis allé me quêter un lift pour aller au dépanneur acheter des cigarettes. Luc s'est porté volontaire, surtout lorsque Juanita a accepté de lui prêter son Cadillac.

(Jour) 10

  • Moral : Reposé
  • État d'esprit : Une journée à la surface
  • Niveau de bien-être 9
  • Niveau de fatigue 3
  • Niveau de compétence 9
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 8
  • Jauge des sens
    • Vue 5
    • Odorat 3
    • Ouïe 5
    • Toucher 2

J'ai vu le soleil pendant plusieurs heures pour la première fois depuis mon arrivée aujourd'hui. La cause : une formation en sauvetage minier.

On m'a permis de passer la journée avec l'équipe spécialisée dans les interventions d'urgence. Elle est composée de mineurs de mon « sept », qui se réunissent environ six fois par année pour parfaire leurs compétences.

René, le formateur, écume les mines de la région pour rencontrer les équipes. Au total, 24 mineurs de Metanor sont certifiés.

René a longuement hésité à me faire participer à la formation. À cause d'une histoire d'assurances ou je ne sais trop.

Il n'était pas prévenu de ma présence non plus, ce qui semblait l'indisposer.

Après nous avoir prêté à tous un attirail sophistiqué contenu dans un sac à dos, nous avons revêtu la combinaison bleue officielle de l'équipe de sauvetage minier.

J'avais fière allure avec mon casque rouge et mon harnais. Par contre le sac à dos contenant, entre autres, la bonbonne et le sac d'oxygène pesait une tonne.

Mais le pire était le masque. Pour le porter, je devais au préalable me raser la barbe, puisqu'il nous siphonne le visage pour ne pas laisser passer le moindre courant d'air. La barbe fait apparemment obstruction au passage de l'oxygène, m'a-t-on expliqué.

Moi qui capitalisais pourtant sur elle pour avoir l'air plus viril…

Lorsqu'on active la bonbonne d'oxygène, alimentée par un cube de glace, il faut mettre quelques secondes pour reprendre notre souffle normal.

René nous a ensuite organisé quelques simulations. Profitant du beau temps, les exercices se sont déroulés à l'extérieur. Dans un des scénarios proposés, notre équipe devait traîner une civière jusqu'à un endroit où deux victimes étaient étendues par terre, supposément intoxiquées.

Une des victimes était un mannequin d'environ 100 livres, l'autre René qui en pèse probablement le double. Ma respiration était difficile et saccadée avec le masque. Je voulais toutefois prouver que j'étais capable et que René avait bien fait de me laisser participer. Le transport à la civière du mannequin suivi de celui de René était pénible. Les sangles du sac à dos commençaient à me faire creuser dans les épaules.

L'exercice a pris fin environ deux heures plus tard. Mission accomplie. Le mannequin et René ont survécu.

De retour à la salle de conférence, dit carreau, le reste de la formation consistait à démonter, nettoyer et remonter notre trousse d'urgence. Les membres de l'équipe d'urgence m'ont bien accueilli, comme un des leurs. Christian, avec qui j'étais jumelé, m'appelait même "partner", prononcé avec en "eur" à la fin. Autre avantage de la formation, c'est que nous avons obtenu notre congé vers 15h au lieu du 17h habituel!

Me voilà donc avec les gars dans la salle commune à passer le temps, puisque les gars du quart de nuit roupillaient dans nos chambres.

Un des membres de l'équipe de sauvetage, Yannick, avait traîné sa console pour regarder un film. Le dernier Terminator joue pendant que j'écris ses lignes. Ça fait du bien de prendre ça relaxe un peu et de ne pas trop se salir les mains. Même si le fait qu'Yves Corbeil double la voix d'Arnold en Terminator sexagénaire agace considérablement.

(Jour) 11

  • Moral : Frustré
  • État d'esprit : Peur au ventre et tataouinage
  • Niveau de bien-être 3
  • Niveau de fatigue 8
  • Niveau de compétence 2
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 2
  • Jauge des sens
    • Vue -5
    • Odorat 3
    • Ouïe 5
    • Toucher 4

Pour la deuxième fois en quelques jours seulement, un problème mécanique avec la cage a retardé la descente des mineurs. Des gars me confiaient que c'était la première fois que ça leur arrivait en trois ans. Moi c'est la deuxième fois en une semaine. Il n'y a pas grand-chose de rassurant à regarder trois mécaniciens bizounner dans la cage pendant que les mineurs font le pied de grue derrière un cordon de sécurité. Dans l'intervalle, tous ont une joyeuse histoire d'accidents mortels impliquant une cage défectueuse à me raconter. Chouette.

Finalement, la cage est prête vers 9h30. J'en profite pour faire le plein de vitamines dehors avant de descendre. Il n'y a aucun nuage dans le ciel bleu, mais il commence à faire froid.

Comme je travaille au dernier niveau, je dois embarquer dans la première cage, mais je décide de passer mon tour. Les gars semblent me trouver un peu peureux, mais j'assume.

Je passe proche de ne pas descendre tout court. Après tout, je ne suis pas esclave de leur satané bonus moi. Avec le recul, j'aurais pu passer mon tour.

Comme la journée de travail était retardée, les gars mettaient les bouchées doubles voire triples pour réussi à faire leur cycle en moins de temps. S'ils y parviennent = plus de bonus. Je travaillais à nouveau avec Martin et Anthony, qui remplace Benjamin qui s'est blessé à l'œil en début de semaine.

Notre premier mandat était de réparer la structure au bas de l'échelle de notre section éloignée, qui avait été soufflé par la dernière explosion, d'une force supérieure aux autres jours visiblement.

Les deux gars se sont mis à l'ouvrage. En plus de réparer le plancher en grosses poutres épaisses, ils ont entrepris leur cycle à la vitesse turbo.

Comme ils étaient très pressés, ils n'avaient pas vraiment le temps de me laisser m'exercer sur les appareils comme le Jack Legs ou le déblayage. J'ai donc été relégué à un rôle de spectateur, résigné à trimballer le matériel ou leur passer des outils comme un infirmier qui tend des instruments à un médecin pendant une opération.

Martin, un petit nerveux, saute dans tous les sens, pressé de blaster. L'objectif ultime ou plutôt l'obsession des mineurs. Son visage est déformé par 1000 tics nerveux pendant que la sueur perle sous son casque.

C'est un peu ça le problème avec cette expérience. C'est difficile pour moi de m'améliorer dans un contexte où le bonus et la vitesse mènent la mine.

Je fais quelques progrès, je prends confiance puis le lendemain, je me sens comme un obstacle humain au fond de la mine.

Ça rend mon rapport à la confiance un peu bipolaire. D'autant plus que la nouvelle gang – incluant les contremaîtres - ne semble pas trop savoir quoi me faire faire. Comme s'ils n'étaient pas trop au courant des raisons de ma présence ici. Plusieurs m'appellent : « le caméraman ».

Bref, j'ai surtout besoin d'un congé je crois. Je n'en ai eu aucun depuis mon arrivée et là je suis écœuré du froid, du mauvais café, des mêmes jokes de pet que je me force à rire pour essayer d'être dans la gang, du noir, de me lever à 5h15, du bruit infernal, d'être crotté à la grandeur et du danger qui m'entoure.

Bref, je suis écœuré de la crisse de mine sale. 

(Jour) 12

  • Moral : Fainéant
  • État d'esprit : Écrasé et quelques remords
  • Niveau de bien-être 8
  • Niveau de fatigue 6
  • Niveau de compétence 1
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 8
  • Jauge des sens
    • Vue 5
    • Odorat 3
    • Ouïe 3
    • Toucher 2

J'ai fait la mine buissonnière pour la première fois aujourd'hui. Je me suis donné congé puisque je pars plus tard à Chibougamau en autobus pour aller rencontrer la famille d'un mineur, Simon, rencontré durant le premier quart.

Certes, j'aurais pu aller faire ma journée sous terre, remonter et prendre le bus qui part en soirée du petit dépanneur au bout du chemin. Mais j'avais besoin de souffler un peu. Et puis, la mine va continuer à rouler sans moi, j'en suis sûr…

Comme je suis mal fait, j'éprouve néanmoins quelques remords de ne pas y être allé, comme si je les abandonnais. Mais pour l'heure, j'en profite.

Je suis vautré dans un gros fauteuil en cuir de la salle commune depuis 6 :30 ce matin, puisque je devais libérer ma chambre pour laisser mon colocataire du quart de nuit dormir.

Pas grave, j'écris ce journal. Je gosse sur Internet et je bois du café. Même s'il goût l'eau de vaisselle, je me sens en vacances.

Et puis, hier soir, j'ai bu quelques bud avec les gars. C'était sympathique même si tout le monde s'est couché tôt. On a jasé de tout et de rien dans la chambre de mon voisin Éric. Un poster de femmes nues est collé sur le mur au-dessus de son lit.

Bref, ça a fait du bien de prendre une pause de cette vie d'ascète.

Je me réconcilie avec la mine.

(Jour) 13

  • Moral : Libéré, délivré!!
  • État d'esprit : Escapade à Chibougamau
  • Niveau de bien-être 8
  • Niveau de fatigue 5
  • Niveau de compétence 1
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 8
  • Jauge des sens
    • Vue 4
    • Odorat 5
    • Ouïe 3
    • Toucher 4

Après la frustration de la veille, le timing­ était idéal m'offrir une petite escapade. Et qui dit petite escapade pense évidemment « Chibougamau ! »

L'idée est d'aller passer du temps dans la famille de mon collègue mineur Simon Lavoie. Mais comme il me reçoit seulement à souper demain, je peux en profiter pour ne rien faire aujourd'hui. Ça tombe bien, il n'y a pas grand-chose à faire à Chibougamau, une ville d'environ 700 âmes, dont une portion importante des travailleurs suent dans les nombreuses mines de la région, dont celle de Métanor.

Je retrouve aussi aujourd'hui l'équipe de tournage, après une semaine de séparation. Le réalisateur Gabriel, sous ses allures de dur à cuire, a le cœur gros comme ça. C'est pourquoi il a pris soin de bifurquer de son trajet vers Chibougamau pour venir me chercher à la Mine. Au bon moment par-dessus le marché, puisque mon camarade mineur Danny me conduisait au dépanneur le plus proche qui sert aussi de station d'autobus pour les voyageurs de Desmaraisvillle.

Nous avons posé nos valises à l'hôtel Chibougamau, avant d'aller rejoindre le caméraman Michel et Simon, un preneur de son tout neuf, à la brasserie La Chaumière.

Affirmer que j'avais le cœur festif après ces longues journées de dur labeur serait un euphémisme réducteur.

Mais, comme vous le savez, ce qui se passe à Chibougamau reste à Chibougamau. 

(Jour) 14

  • Moral : Heureux
  • État d'esprit : Tourtière du lac, gueule de bois
  • Niveau de bien-être 6
  • Niveau de fatigue 7
  • Niveau de compétence 2
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 8
  • Jauge des sens
    • Vue 5
    • Odorat 3
    • Ouïe 5
    • Toucher 1

Mon père fête aujourd'hui ses 68 ans et moi je me lève avec une gueule de bois terrible.

Lorsque j'ouvre mes yeux, il est environ midi. Je ne me souviens plus la dernière fois que je me suis levé aussi tard. L'équipe de tournage est déjà en train de déjeuner dans un boui-boui de la rue principale. Des patates et des saucisses congelées, servis avec des œufs, du bacon et autres remèdes miracles de lendemain de veille. Un journal traine, le premier que je vois depuis mon départ.

Pas de chance, il date de deux jours.

Après avoir tourné quelques images dans la ville, nous nous rendons en après-midi chez Simon. Un bungalow avec une grande cour et un gros garage. Un bateau de pêche et un quatre roues sont garés sur sa pelouse en avant.

Simon, 39 ans, a néanmoins l'air plus âgé que moi. Ses traits sont carrés, comme ses épaules. Il est petit, mais deux fois plus large que moi. La poignée de main est franche, mais surtout puissante comme un étau.

Sa femme Stéphanie est légèrement plus jeune, très jolie, et douce. Une douceur qui contraste d'ailleurs avec la dureté de Simon. Stéphanie est infirmière sur une réserve autochtone du coin. Les autochtones, des Cris, constituent d'ailleurs environ 30% de la population locale, sans compter les réserves limitrophes, calcule Stéphanie. Cette cohabitation en milieu urbain frappe d'ailleurs lorsqu'on traverse la Ville.

Simon et Stéphanie, ensemble depuis 17 ans, ont eu deux filles. Une petite puce de cinq ans nommée Mia lit des livres de Disney dans le salon. La plus vieille, Jeanne, est chez une amie. La sœur de Simon, Anne-Marie, est également présente.

Une famille simple, chaleureuse. Je me sens rapidement à l'aise. Si bien que je n'hésite pas à aborder tous les sujets qui me passent par la tête. Simon m'offre une bière, qui a un peu de mal à passer. Lui ne boit plus. Je ne lui demande pas pourquoi.  

Simon me raconte ce qui l'a mené à la mine. Il a travaillé plusieurs années dans un hôpital, mais il était malheureux. Sa conjointe le voyait dépérir et même frôler la dépression. Il décide alors d'aller suivre ses modules, obligatoires pour devenir mineur (environ 6 mois). Depuis 5 ans, il travaille donc dans des mines, dont environ trois pour Métanor. Il aime son chèque de paye, mais son travail aussi. Stéphanie en est témoin, même s'il se garde de lui donner des détails sur son travail. Elle le voit seulement plus heureux que dans son ancienne vie. Et pourtant, Simon lui parle rarement de sa vie à la mine. De peur de l'inquiéter surtout. On voit que le sujet est sensible lorsqu'on l'aborde. Elle aime mieux ne pas y penser. Il minimise les dangers, pourtant bien réels.

Par contre, le fait d'avoir des enfants lui donne la meilleure raison du monde de rentrer après son sept. L'horaire, justement, convient au couple. Stéphanie, à l'instar de plusieurs femmes de la région, a bâti son horaire et sa petite routine autour de ce train-train atypique qui ne l'est pas vraiment ici. 

Bien sûr, Simon dit s'ennuyer de ses filles et penser à elles sans arrêt. Mais c'est aussi pour elles qu'il travaille à la sueur de son front. Et puis, lorsqu'il revient, il est présent durant sept jours. Il garde presque toujours la plus jeune avec lui. C'est d'ailleurs elle qui souffre le plus de l'absence de son père.

Sa tante Anne-Marie, qui est enseignante, me confie d'ailleurs voir concrètement l'effet du départ des papas mineurs dans sa classe.

« Certains sont agités, d'autres déconcentrés ou simplement tristes les deux premiers jours », décrit-elle.

C'est le cas de Mia. Sa grande sœur s'est habituée.

Le souper achève. Une tourtière du lac Saint-Jean. Une vraie de vraie, puisque le couple vient de là-bas. C'est même Simon qui a chassé le gibier mélangé aux patates et au reste. « De la viande de bois », résume-t-il.

Simon ne sera pas mineur toute sa vie, du moins pas dans une mine conventionnelle. La mine magane et Simon ne prendra pas de risques.

Il a trop à perdre, résume-t-il en balayant le tour de la table.

Le soir est tombé. C'est le moment de retourner à la mine. Mes courtes vacances sont déjà terminées.

Demain, dur retour à a réalité. Au moins, l'expérience achève. 

(Jour) 15

  • Moral : Retour à la mine
  • État d'esprit : Mal de dos en trois dimensions
  • Niveau de bien-être 8
  • Niveau de fatigue 8
  • Niveau de compétence 7
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 7
  • Jauge des sens
    • Vue 3
    • Odorat 3
    • Ouïe 2
    • Toucher 4

Évidemment, j'aurais pu me garder de raconter l'anecdote qui suit. C'est un peu humiliant et ça n'apporte pas grand-chose à l'histoire.

Mais comme je n'aime pas vous cacher des choses, amis lecteurs, vous êtes en droit de savoir que je me suis réveillé dans la petite municipalité de La Doré, au Saguenay Lac-Saint-Jean.

« Vous ne deviez pas rentrer à la mine vous autres ?», est sans doute la première question qui vous vient en tête, avec justesse de surcroit.

Il se trouve que lors de notre départ chez Simon hier soir, je me tapais la route avec un membre de l'équipe de tournage que nous identifierons par les initiales GAG, afin de lui éviter d'inutiles railleries.

Nous avons (ou du moins pensions) avoir programmé le GPS en direction de la mine. Deux heures plus tard, nous avons alors réalisé avoir roulé tout ce temps dans la mauvaise direction. Résultat : Nous nous sommes retrouvés à quatre heures de la mine. Comme il commençait à se faire tard, nous avons alors fait ce que tout le monde sensé fait dans de tels moments : passer la nuit dans un motel miteux simplement appelé « motel » en lettres clignotantes. Tsé le genre d'établissement où tu payes ta chambre à la fille de la station-service. 83,67$ plus tard, me voilà étendu dans un lit plus ou moins digne de confiance. J'ai du mal à trouver le sommeil, tout le contraire de GAG, qui ronfle sa vie de l'autre côté du mur en carton.

Nous nous sommes remis en route tôt le lendemain matin. Vers la bonne direction cette fois. Nous avons repassé par Chibougamau, pour rentrer à la mine sur le coup de midi.

Heureusement, je ne descendais pas sous terre aujourd'hui. J'avais plutôt deux rencontres en surface. D'abord avec l'infirmière Marie-Noëlle, qui soigne des mineurs depuis une douzaine d'années. En plus de les soigner, elle leur sert aussi parfois de confidente. Une rare oreille dans ce milieu de gars qui refoulent leurs émotions aussi profondément que le 14e niveau de la mine. Marie-Noëlle doit parfois même se battre avec les mineurs pour les forcer à rapporter leurs blessures. Être malade ou blessé, ce n'est pas payant et ça ne donne pas un très bon bonus à la fin de la semaine.

Plusieurs mineurs travaillent d'ailleurs blessés. Marie-Noëlle le sait et s'efforce de faire de la sensibilisation.

Elle adore son métier et ses mineurs. De saprés bons gars qui te donnent l'heure juste, jappent forts, mais ne mordent pas.

Un peu plus tard, j'ai rencontré le patron de la mine, Claude. Une charpente d'homme assez âgé, franc et à la poigne d'acier, qui a 50 ans de mine derrière le casque. Il m'a donné le cours 101 de sa mine, en plus de m'expliquer, au moyen d'images en trois dimensions, où se trouvaient les gisements d'or. Grosso modo, la mine devait fonctionner cinq ans, mais la découverte de nouveaux gisements risque de prolonger le travail des mineurs de quelques années.

Une bonne nouvelle, une note d'espoir et une belle façon de tirer sa révérence, puisque le patron prend sa retraite dans quelques jours.

Pour la deuxième fois. L'homme a visiblement du mal à couper le cordon qui le relie à sa mine.

Bon, maintenant au lit, parce que demain, ma vie de mineur recommence pour le dernier droit.

Fin de la récréation.

(Jour) 16

  • Moral : Tanné
  • État d'esprit : Entre espoir et incompétence
  • Niveau de bien-être 3
  • Niveau de fatigue 8
  • Niveau de compétence 4
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 2
  • Jauge des sens
    • Vue -4
    • Odorat 5
    • Ouïe 5
    • Toucher 5

La mine a une odeur. Impossible de la décrire, mais c'est une odeur particulière. Dès qu'elle chatouille nos narines, on sait où on se trouve. Même chose pour la salle où tous nos uniformes sont accrochés. L'air y est sec, chaud. Les vêtements sentent fort, sentent la mine, sentent la sueur surtout.

Cette odeur ne me manquera pas où n'éveillera aucun épisode nostalgique à la fin de cette expérience. Le travail non plus, remarquez. C'est dans cet état d'esprit que j'ai enfilé à nouveau mon uniforme ce matin. Comme l'expérience achève, avec un peu moins de fougue. Comme si chaque effort pour mettre une botte, enfiler une manche, un bas sale ou une botte à cap d'acier me rapprochait de la fin.

Ma matinée avait le mérite d'être différente, puisque je l'ai passé en compagnie d'une géologue employée par la mine, Fati.

La femme de 36 ans a émigré du Sénégal et habite aujourd'hui à Rouyn avec son mari et leur petite fille. Détentrice d'une maîtrise en biologie dans son pays d'origine, elle a complété un baccalauréat en géologie à l'UQAM, son parcours scolaire sénégalais n'étant pas reconnu chez nous.

Elle dit adorer son métier. Et ça paraît. Elle promène sa bonne humeur avec elle dans son circuit quotidien dans le ventre de la mine. Chaque matin, elle se présente à différents endroits – et niveaux – pour observer l'avancée des travaux et récolter des échantillons des minerais. Elle marche énormément et se déplace dans des échelles entre les niveaux. Un travail très physique malgré tout. Et surtout important, puisque c'est elle qui détermine les endroits où les mineurs doivent creuser, mais aussi la trajectoire des opérations. Des erreurs de calculs peuvent coûter très cher à la compagnie, qui lui fait néanmoins confiance.

Fati se plait aussi dans ce milieu d'homme et n'hésite pas à leur tenir tête. « Et ils ne s'essayent même pas avec moi. De toute façon, je leur ai dit que mon mari était plus beau qu'eux », badine Fati, qui, une fois sa tournée matinale terminée consacre ses après-midi à analyser ses échantillons à la surface.

 

(Jour) 17

  • Moral : Impression de servir à rien
  • État d'esprit : Sub du 13e niveau
  • Niveau de bien-être 2
  • Niveau de fatigue 9
  • Niveau de compétence 3
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 2
  • Jauge des sens
    • Vue -4
    • Odorat 5
    • Ouïe 5
    • Toucher 5

J'ai fait mon quart de travail avec Yannick et Danny dans un sub du 13e niveau. Un endroit difficile d'accès, où il fallait au préalable descendre des centaines de pieds d'échelles. 

Le lieu de travail des deux mineurs n'avait pas de ventilation et très petit, on s'y sent d'ailleurs très à l'étroit. L'air est poussiéreux. Les deux gars devaient attaquer un mur d'environ six pieds, ce qui leur laissait bien peu de places pour bouger.

Yannick m'a mis rapidement au travail. J'ai donc creusé plusieurs trous. Avec et sans aide. Lorsque je prenais une pause, mes mains continuaient de vibrer durant quelques minutes.

J'étais épuisé, couvert de sueurs, même si on me donnait seulement les endroits les plus faciles à percer.

Ça a à nouveau confirmé que je ne serais jamais un mineur. J'en suis incapable physiquement et mentalement. J'en ai vraiment marre du bruit, de me sentir dégueulasse, de travailler dans un endroit sans fenêtre, d'avoir l'impression de ne servir à rien ou de ne pas être bon quand je m'y mets.

Yannick et Danny se sont montrés moins durs à mon endroit. Selon eux, je suis tout à fait normal compte tenu de mon expérience. Je leur rappelle même leurs débuts. Peut-être que je veux brûler les étapes trop vites ou que je n'aime pas l'idée de quitter une expérience sans l'avoir tout compris et absorbé.

On ne fait pas un mineur en trois semaines. Surtout parmi des gens qui n'ont pas trop le temps de m'enseigner leur savoir-faire. Le temps, c'est de l'argent et la vitesse, c'est le bonus.

Et puis de toute façon, tout l'argent du monde ne vaut pas de travailler dans de telles conditions.

(Jour) 18

  • Moral : Soulagé
  • État d'esprit : Un dernier coup de coeur
  • Niveau de bien-être 3
  • Niveau de fatigue 9
  • Niveau de compétence 3
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 1
  • Jauge des sens
    • Vue -4
    • Odorat 5
    • Ouïe 5
    • Toucher 5

« Les gars, il y a eu un accident lors du quart précédent ».

Yves, le contremaître, a le visage long en prononçant ces mots lors du meeting quotidien. Il a au préalable pris le soin de souhaiter la bienvenue aux gars qui revenaient de leur congé pour amorcer un sept de nuit, en plus de leur demander s'ils avaient apprécié leur semaine de chasse, une des plus belles depuis des années apparemment. On n'entend pas une mouche voler dans la salle. La plupart des gars étaient au courant de l'accident de la veille. Ceux qui ne l'étaient pas s'exclament.

La victime, un jeune mineur dans la vingtaine, a fait une chute d'environ 65 pieds lorsque le couvercle qui permet d'accéder à l'échelle d'un sous niveau a cédé. Le mineur a plongé dans le vide. Son genou doit être reconstruit et il souffre de multiples fractures. C'est apparemment un miracle qu'il soit vivant, m'a confié l'infirmière Marie-Noëlle. D'autant plus que c'est la deuxième fois que la victime frôle la mort. La dernière fois, une machine de quelques centaines de livres était tombée sur lui. Rendu là, c'est à se demander si on est très chanceux ou très malchanceux.

C'est donc dans ce climat sombre que s'est amorcé mon dernier quart de travail, de nuit par-dessus le marché. J'étais déjà fatigué en commençant, puisque je m'étais levé tôt le matin, au lendemain d'un quart normal de jour. Les mineurs qui alternent les quarts de nuit et de jour confirment que l'adaptation est toujours pénible au début. 

L'ambiance est morose dans la salle. Pas seulement à cause de l'accident de la veille. J'ai l'impression que quelques mineurs sont tannés d'avoir une équipe de tournage dans les pattes. Pour la première fois, je sens quelques signes d'exaspération. Je prends conscience que je n'ai pas eu le temps de nouer des amitiés tricotées serrées.

(Jour) 19

  • Moral : Fier
  • État d'esprit : Laisser la mine aux mineurs
  • Niveau de bien-être 3
  • Niveau de fatigue 9
  • Niveau de compétence 3
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 1
  • Jauge des sens
    • Vue -4
    • Odorat 5
    • Ouïe 5
    • Toucher 5

 

 

 

 

 

(Jour) 20

  • Moral :
  • État d'esprit :
  • Niveau de bien-être 0
  • Niveau de fatigue 0
  • Niveau de compétence 0
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 0
  • Jauge des sens
    • Vue 0
    • Odorat 0
    • Ouïe 0
    • Toucher 0

 

 

 

 

 

(Jour) 21

  • Moral :
  • État d'esprit :
  • Niveau de bien-être 0
  • Niveau de fatigue 0
  • Niveau de compétence 0
  • Niveau de frustration 0
  • Apparence physique 0
  • Jauge des sens
    • Vue 0
    • Odorat 0
    • Ouïe 0
    • Toucher 0

 

 

 

 

  • Jours
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
  • 6
  • 7
  • 8
  • 9
  • 10
  • 11
  • 12
  • 13
  • 14
  • 15
  • 16
  • 17
  • 18
  • 19
  • 20
  • 21
Confessions
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