J'ai la garderie bipolaire je crois. J'écrivais hier que j'allais m'ennuyer de mes petits amours au terme de cette expérience qui tire à sa fin.
Au moment d'envoyer ces lignes, je suis à bout de nerfs, en proie à une violente surdose de mioches.
La raison : j'ai aujourd'hui passé ma première journée complète avec mon groupe au complet.
Trois constats s'imposent :
1- Je ne suis sans doute pas fait pour la vie en garderie
2- Je trouve indécent l'idée de faire un tel travail pour un salaire aussi dérisoire.
3- Oui, il est possible de fantasmer d'étriper un enfant de deux ans, même si on ne le ferait pas pour de vrai.
Certes j'exagère un brin, mais c'est de loin la journée la plus éprouvante depuis le début de cette expérience. Plus encore, j'ajouterai que c'est la journée la plus difficile parmi toutes les expériences que j'ai effectuées dans le cadre de cette émission.
Et pourtant, je n'aurais pas pu faire les choses différemment. Dans ce sens, je suis plutôt fier de moi. Aucun enfant n'a perdu la vie ou n'a été victime de cruauté sous mon joug.
Le matin s'était amorcé pourtant tranquillement. Les enfants étaient d'abord un peu surpris de se retrouver seuls avec moi. Certains demandaient où était Noémi. Elle était physiquement dans la garderie, mais c'était préférable qu'elle reste à l'écart sinon les enfants feraient une crise en la voyant. Les enfants m'aiment, mais pas à ce point-là.
Les choses ont commencé à se corser après la collation. On a d'abord pratiqué le spectacle avec les petits bonnets en laine de couleurs fabriqués par ma blonde la veille. Une répétition complètement ratée. Les enfants n'écoutaient juste pas et s'éparpillaient dans toutes les directions.
Trainer tous les enfants à la salle de bain pour le pipi étaient aussi l'enfer. Avec Noémi, ils restent assis, en silence, en attendant d'aller pisser tour à tour. Avec moi, ils étaient debout, bruyants et hors de contrôle.
Puis, vint le moment tant redouté, celui de les habiller pour la ballade au parc. Le pire scénario s'est matérialisé. Les enfants couraient partout, refusaient de s'habiller ou de se laisser habiller. La moitié n'a pas voulu mettre ses bottes. L'autre ses mitaines. Enfin, quelques-uns ont essayé de se sauver pour courir dans le corridor.
J'ai claqué une première porte. Puis une autre. Avant de sortir la carte de la menace : “Donc, vous voulez qu'on reste ici? Parfait alors!”
Évidemment, après coup, on se sent pas mal niaiseux. Après tout, on n'énerve pour quoi au juste? Des enfants qui refusent de mettre leurs mitaines. Des enfants qui ont deux ans…
Des peccadilles finalement. Mais ces futilités peuvent aller nous chercher dans des zones très sombres de notre cerveau. Comme si le fait de ne pas obéir à des consignes que nous, adultes, jugeons pourtant simples et claires pouvaient nous faire sortir de nos gonds.
Bref, même la ballade au parc, d'ordinaire un moment bonbon de la journée, a été périlleuse. Ylias se sauvait pour ne pas revenir avec moi à la fin. Flavie est tombée du banc et s'est égratignée au front.
Au retour, j'ai dû tenir Ylias – qui refusait de marcher parce qu'il n'était pas à côté de Rose dans le rang –d'un bras et la corde - au bout de laquelle trainait le reste du groupe - de l'autre.
On aurait pu tordre mon chandail tellement j'avais chaud.
Au loin, Noémi suivait avec l'équipe de tournage en se disant probablement que son emploi n'était pas menacé par moi.
Le diner s'est bizarrement bien passé. Au moins pendant que les enfants mangent, ils sont occupés. Flavie est encore tombée de sa chaise et le sol était couvert de nourriture. Mais j'étais plutôt content dans l'ensemble. La sieste a par contre été un autre irritant. Les enfants ne voulaient pas rester sur leurs matelas. Ils ne tenaient juste pas en place. J'ai réussi à finalement capter leur attention grâce à Caillou et le Loup. Une histoire ridicule mais suffisante pour retenir l'attention des enfants.
J'ai finalement réussi à tous les endormir un à un, sauf Rose qui a fermé l'œil quelques minutes à peine.
Le “party” s'est poursuivi après la sieste. Simone m'a fait trois cacas, Rose un (dans ses culottes), sans compter plusieurs pipis. Heureusement, la journée était alors presque terminée après la collation d'après-midi. Mon local sentait les excréments et les jouets trainaient partout dans cette mer de décibels que le maire de Saint-Lambert aurait trouvé agressante. Quand les premiers parents sont apparus dans le cadre de porte en fin de journée, j'étais heureux comme Christophe-Colomb qui a vu les côtes américaines pour la première fois. J'ai dû justifier le bobo de Flavie à sa maman…qui a retrouvé les mitaines de Noam dans les poches du manteau de sa fille. J'ai aussi perdu les bas de Simone et Joshua s'est tapé une crise majeure lorsque sa mère est venue le récupérer.
Quand j'ai quitté le local vers 17h15, j'avais mal aux jambes et au dos. Je me disais surtout que cette expérience cauchemardesque constitue le quotidien des éducatrices en garderie.
Ces gens ont à jamais tout mon respect.
Commentaires sur la série cet épisode
Écrire un commentaire