Une journée fatiguante pour le corps et l'esprit à la fois.

Plein d'actions anodines du quotidien se transforment soudainement en immenses obstacles. Une grande montagne à franchir ces 21 jours en chaise roulante !

Grosse journée qui a commencé à 7h am avec l'équipe de tournage et qui s'est terminée à 21h en studio avec mes étudiants.

Entre ça, deux aller-retours entre chez-moi et l'université en chaise roulante, une heure pour trouver des toilettes adaptées et une rencontre inspirante avec Giusepe Julietti!

Aujourd'hui, mon amoureux et moi recevions à souper à la maison. J'ai tenté l'expérience d'aller faire une partie de l'épicerie sans lui.

Une simple action banale qui s'est transformée en course à obstacle! Mais heureusement, les gens sont gentils, je reçois beaucoup d'aide lorsque je me retrouve mal prise dans une situation. Sinon, une rencontre inspirante avec Linda Gauthier, une femme lumineuse qui m'a fait revoir le sens du mot dignité.

Après quelques jours à faire des allers-retours entre chez moi et l'Université en roulant, mon corps me fait signe que j'ai abusé.

Mal aux avant-bras, les os surtout, aux épaules et aux muscles des mains qui sont souvent sollicités pour manoeuvrer les roues. Moi qui croyais que j'allais m'améliorer, je régresse... Lors du chemin du retour, en plus, il y avait beaucoup de vent. J'ai dû faire pitié car une étudiante française m'a offert son aide et elle m'a ramenée jusqu'à la maison :)

J'ai décidé de travailler de la maison pour reposer mon corps.

Suis sortie manger au coin de la rue sur l'heure du lunch pour un meeting. Ce soir, c'était ma première sortie avec des amis. Tout le monde a été gentil et j'ai eu beaucoup d'aide. Je me sentais privilégiée de me savoir si bien entourée.

Ce soir, on organise un party d'Halloween à la maison.

Emotions mixtes: bonheur de me sentir aussi bien entourée et de trouver des moyens pour danser en chaise roulante et frustration de sentir que je dérange avec mon fauteuil sur la piste de danse et qu'il est plus difficile pour moi de m'imiscer dans les conversations. (Je suis déguisée en Lise Thibault).

Journée de repos aujourd'hui.

L'avantage d'être en fauteuil roulant : plein d'amis sont venus aider pour faire le ménage à la suite de la fête d'hier.

Balade en transport en commun ce matin (surprise par l'efficacité du système) rencontre d'une psychologue dans l'après-midi et cours de danse ce soir.

Belle découverte de tout ce que l'on peut faire avec un fauteuil roulant ! Pour la première fois, je ne le voyais plus comme une limite, mais comme une extension de moi-même...

Aujourd'hui, en plein milieu de mon cours en communications, il y a eu une alerte au feu.

Une voix monotone à travers un haut-parleur nous a incité à quitter rapidement et calmement. Mes étudiants m'ont complètement prise en charge et ils m'ont poussée jusqu'à la sortie. Puis, il y en a un qui m'a prise dans ses bras pendant que deux autres descendaient mon fauteuil dans les escaliers extérieur ! Sentiment de vulnérabilité accru face à mon état !

Aujourd'hui, je commence à trouver que c'est plus facile de me rendre à l'université en chaise roulante.

J'ai mes trucs sur le chemin, les passages à éviter, ceux que je sais plus difficiles et ceux qui sont plus faciles. Je prends la peine de m'arrêter sur la fin d'une lumière verte plutôt que de me précipiter. Bref, les habitudes rentrent. Mon cours avec mes étudiants en théâtre, qui me voyaient pour la première fois en chaise roulante, s'est très bien passé. Et enfin, j'ai une rampe à la maison!

Belle journée passée à travailler à la maison. Je me rends compte que les jours où je n'ai pas à me déplacer seule sont beaucoup plus faciles et relaxant pour moi.

Le fauteuil roulant m'amène à faire moins de choses en une journée et du coup, le repos devient inévitable. Ayant une bonne raison, je me sens moins coupable. Aussi, ce soir, j'ai vécu mon premier 5 à 7 en chaise roulante. Beaucoup plus facile pour moi de me sentir intégrée à la soirée que ce que j'appréhendais!

Autre bonne journée. Lunch sur l'heure du midi avec une ancienne productrice devenue une amie.

Le cuisinier est venu nous aider à entrer la chaise: j'ai maintenant le réflexe de demander spontanément de l'aide sans me sentir mal de déranger les gens. C'est une question de survie. Et ce soir, mon ami Kim est venu me visiter. Nous avons fait l'épicerie et le souper ensemble. Encore une fois, je me sentais privilégiée d'être si bien entourée !

Samedi matin. Mon chum et moi allons bruncher au café Byblos.

Il me roule jusqu'à la porte de derrière retourne devant le café pour entrer et venir m'ouvrir de l'intérieur, nous passons à travers le restaurant et retournons à l'entrée patienter dans la file, arrivons enfin à une table qu'il faut repositionner, à laquelle il faut enlever une chaise et finalement m'installer. Mon chum dépose un baiser sur mon front et va enfin s'asseoir. A travers le regard des filles du resto, il est un héros.

Je fais mon devoir de citoyenne aujourd'hui en chaise roulante.

Je retrouve Linda (l'ex-danseuse professionnelle) au bureau de vote. Entre l'année 2009 où elle n'avait pu exercer son droit de vote par manque d'accessibilité, et aujourd'hui, un grand travail a été fait: la plupart des bureaux de vote sont accessibles pour personnes à mobilité réduite. Tout s'est très bien passé dans notre cas !

Soirée de financement pour l'organisme Kino, un regroupement de cinéastes dont je suis membre du CA.

Soirée chic, champagne et petites bouchées, vécue en chaise roulante, avec des tables trop hautes, des gens debout et des toilettes seulement au deuxième étage. Malgré ces obstacles, j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver plein de gens et réseauter. Bref, mon bonheur ce soir était beaucoup plus grand que mes petites frustrations.

Une longue journée qui a commencé tôt (alors que je me suis couchée tard hier).

J'ai donné mon cours à l'université, puis je me suis tout de suite rendue à la radio pour témoigner de mon expérience. J'y ai fait la rencontre d'Isabelle, tétraplégique extraordinaire qui a beaucoup voyagé malgré son handicap. Ma soirée s'est terminé dans un bar où on a tourné en caméra cachée. Troublant! Notre pouvoir de séduction est pas mal réduit en chaise roulante...

Depuis le début de l'expérience, c'est la pemière fois que je ressens de l'exaspération.

Ce matin, j'en avais marre de me lever plus tôt parce que ma routine matinale prend plus de temps, j'étais frustrée sur le chemin de l'aller à l'université de me battre contre le vent, rouler sur des trottoirs en pentes et abimés, donner mon cours assise. J'avais juste hâte que ça finisse, et en même temps, je ne pouvais m'empêcher de penser à tous ceux pour qui ça ne finit jamais.

Encore une journée où je me sens impatiente. Je me surprend à rêver à la liberté d'exécuter des actions rapidement.

Tout prend tellement plus de temps: de la préparation des repas en passant par la douche qu'il faut prendre assise et les vêtements qu'il faut mettre couchée jusqu'aux sorties où je suis toujours dépendante de quelqu'un pour m'aider et me transporter... Si je ne savais pas que l'aventure se termine, aujourd'hui, j'aurais de la difficulté à accepter mon sort.

Ce matin, rendez-vous chez Isabelle. La tétraplégique m'ouvre les portes de son intimité.

La vie est drôlement faite parfois; alors qu'hier je me plaignais du fait que tout me prend plus de temps, je prends conscience qu'Isabelle, elle, n'a même pas la chance de pouvoir se laver, se faire à manger ou s'habiller seule. Résultat: elle profite de chaque petit geste qu'elle peut poser seule (boire son café par exemple) plutôt que de se laisser abattre par ce qu'elle ne peut pas faire.

Une journée qui a débuté très tôt, à 5h ce matin, pour mon initiation au hockey-luge...

Où mon niveau de compétence est retombé à zéro :) Mais j'ai eu beaucoup de plaisir à m'intégrer à l'équipe! Je comprends à quel point c'est important, malgré un handicap, de continuer à bouger, sortir, se sentir appartenir à une communauté.

Aujourd'hui, je reproduis plusieurs gestes de mon quotidien pour la dernière fois en prenant conscience de ma chance.

Pour moi, l'aventure se termine. Elle m'aura permis d'apprendre à chérir la liberté de ne dépendre de personne, de bouger et me transporter librement. Je souhaiterais à quiconque de vivre cette expérience, ne serait-ce que pour prendre conscience de sa chance, et être conscientisé par rapport à l'accessibilité des lieux publics aux personnes handicapées.